Enseigner la lecture de manière optimale aux élèves avec une déficience intellectuelle et de besoins complexes en communication

Informations sur le projet
Titre: 
Enseigner la lecture de manière optimale aux élèves avec une déficience intellectuelle et de besoins complexes en communication
Institution liée au projet: 
HEP-Vaud
État du projet
Date de début du projet: 
août, 2020
Date de fin du projet: 
juillet, 2024
A l'issue de la recherche, résumer les résultats en mettant en évidence les bénéfices pour l'éducation: 

Bénéfices pour la recherche en éducation : Ce projet permettra d’accroître les connaissances scientifiques internationales encore lacunaires sur les stratégies d’enseignement les plus efficaces pour faire progresser en lecture les élèves ayant une déficience intellectuelle (DI) et des besoins complexes en communication (BCC).

Bénéfices pour l’enseignement aux élèves : Ce projet aboutira à la création et à la publication en ligne de plusieurs ressources d’enseignement dont l’efficacité aura été évaluée et qui pourront être mises à la disposition d’enseignant·e·s spécialisé·e·s des pays francophones pour les aider à optimiser l’enseignement de la lecture qu’il·elle·s dispensent aux élèves ayant une DI et des BCC. 

Bénéfices pour la formation des enseignant·e·s spécialisé·e·s : Ce projet permettra de générer des connaissances qui pourront être intégrées à des formations sur l’enseignement de la lecture aux élèves ayant une DI et des BCC, à destination des enseignant·e·s spécialisé·e·s.

Description du projet
Résumé: 

Savoir lire est d’une importance primordiale dans le monde actuel. Ceci est tout aussi valable pour les personnes avec déficience intellectuelle (DI). Savoir lire a en effet une forte incidence sur leur qualité de vie et leur participation sociale. Environ un tiers des personnes qui ont une DI présente aussi des besoins complexes en communication (BCC) (INSERM, 2016). Ces personnes n’arrivent pas à communiquer efficacement avec le langage oral et doivent par conséquent utiliser des moyens alternatifs et améliorés de communication (gestes, pictogrammes, ou logiciels de communication sur tablette). Enseigner la lecture à des élèves avec une DI et des BCC est très ardu et nécessite des adaptations conséquentes. Quelques études menées dans les pays anglophones suggèrent des pistes d’intervention prometteuses pour permettre à ces élèves de progresser dans leurs apprentissages en lecture. Néanmoins, l’état de la recherche est encore lacunaire, ce d’autant plus pour la langue française. Des études ciblant ce groupe d’élèves sont encore nécessaires pour identifier les stratégies d’enseignement les plus efficaces pour faire progresser ces élèves en lecture.

Le but de ce projet de recherche financé par le Fonds National Suisse de la recherche scientifique est de créer des moyens d’enseignement de la lecture adaptés pour ce public et d’en évaluer les effets. Deux études expérimentales à cas uniques, visant des élèves avec des profils de compétences différents, seront menées pour évaluer les effets de moyens d’enseignement adaptés sur les progrès en lecture d’élèves ayant une DI et des BCC.

Mots-clés: 
déficience intellectuelle
besoins complexes en communication
apprentissage de la lecture
Méthode
Plans de recherche et modes/instruments de recueil de données: 

Devis de recherche

Pour répondre à nos questions de recherche nous allons mener deux études expérimentales à cas uniques avec ligne de bases multiples avec six à huit participant·e·s chacune. La première aura lieu durant l’année scolaire 2021-2022 et la seconde durant l’année scolaire 2022-2023. Elles dureront chacune six mois. 

Nous avons choisi de mener de études expérimentales à cas uniques, car nous nous intéressons à un groupe à très faible incidence dans la populations générale (prévalence d’environ 0,3%) et qui plus est aux caractéristiques et compétences extrêmement hétérogènes. Une étude avec protocole expérimental à cas unique est le devis plus approprié pour évaluer les effets d’une intervention sur un tel groupe cible (Horner et al., 2005; Kratochwill & Levin, 2016; Smith, 2012). A l’heure actuelle, l’intérêt de ce type d’étude pour évaluer l’efficacité d’interventions dans le champ de la pédagogie spécialisé est largement reconnu (Cook et al., 2014; Horner et al., 2005; Kratochwill & Levin, 2016). 

Les études avec un protocole expérimental à cas unique comprennent typiquement trois à huit participant·e·s (Kratochwil & Levin, 2016; Smith, 2012). Dans ce type d’étude, les performances des élèves sont mesurées de manière répétée et continue avant et pendant l’intervention. Ces mesures peuvent être intégrées aux leçons (par ex. courte évaluation menée avant de débuter une nouvelle leçon). Dans ce type d’étude, la personne est comparée à elle-même. En d’autres termes, les performances démontrées par la personne aux mesures relevées avant l’intervention (au moins trois mesures selon les standards méthodologiques) servent de point de comparaison aux mesures relevées régulièrement durant la phase d’intervention (Kratochwill & Levin, 2010).

Méthode de collecte de données

  • Évaluation de départ (caractéristiques générales des élèves et compétences en lecture) (novembre)

Pour pouvoir décrire plus précisément chaque élève qui participe à l’étude, comme cela est requis dans une étude expérimentale à cas uniques, plusieurs mesures seront réalisées auprès de chacun·e d’entre eux·elles au début de l’étude. Pour la passation de ces tests, les élèves quitteront leur classe pendant deux sessions de 25 à 35 minutes. Il·elle·s se rendront dans une salle calme de leur école en compagnie d’une chercheuse pour la passation des tests. Les tests suivants seront administrés : 

  • Conscience phonologique avec le LEst 4-6 ans (Moser & Bayer, 2007) adapté pour cette recherche (réponse par pointage) (15 minutes) ;
  • Connaissance des correspondances graphème-phonème avec le LEst 4-6 ans (Moser & Bayer, 2007) adapté pour cette recherche (réponse par pointage) (5 à 10 minutes) ;
  • Lecture de syllabes/mots avec le LEst 4-6 ans (Moser & Bayer, 2007) adapté pour cette recherche (réponse par pointage) (5 à 10 minutes) ;
  • Écriture de syllabes et de mots sous dictée avec un test créé pour cette recherche (réponse par manipulation de lettres mobiles) (5 à 10 minutes) ;
  • Vocabulaire réceptif avec l’échelle de vocabulaire en images Peabody (EVIP) (Dunn, Leota, & Thériault-Whalen, 1993) (15 minutes) ;
  • Compréhension de phrases, d’énoncés avec le test E.L.O (Évaluation du Langage Oral) (Khomsi, 2001) (10 minutes) ;

Les enseignant·e·s rempliront également trois questionnaires pour décrire plus précisément leurs élèves et leur profil : un premier sur les compétences langagières de l’élève et sur le moyen de communication alternatif et amélioré utilisé (SELEFT 4, Labrell, Dellatolas, Griffin, & Lalande, 2013, adapté pour cette recherche) (5 minutes pour la complétion) ; un deuxième sur les compétences communicationnelles de l’élève (Matrice de communication de Rowland ; Rowland, 2003) (20 minutes pour la complétion) ; et un troisième avec des informations de base sur l’élève participant à la recherche (âge, troubles associés, langue maternelle de l’élève, systèmes de communication alternatif et augmenté utilisé), sur l’enseignant·e (formation, années d’expériences) et le contexte classe (nombre d’élèves dans la classe, nombre de professionnel·le·s pour les encadrer) (10 minutes pour la complétion).

  • Mesures de l’efficacité de l’intervention (janvier à juin)

Dans une étude expérimentale à cas unique, il est crucial de conduire des mesures des progrès de manière répétée. Les enseignant·e·s des élèves concerné·e·s vont procéder à ces mesures qui prennent la forme de courtes évaluations (5 à 10 min) réalisées en début de leçon pour voir si les objectifs travaillés précédemment ont été atteints (par ex. nombre de mots lus correctement). Le calcul d’un accord inter-juge étant un standard de qualité essentiel dans les études de cas unique, 20% de ces mesures seront enregistrées par l’enseignant·e sous format audio et codée indépendamment par un·e chercheur·e pour le calcul d’un accord inter-juge.  

Étude 1 : Les mesures répétées évalueront la capacité de l’élève à lire correctement les mots travaillés dans les leçons précédentes (classeur de stimuli avec un mot à lire et quatre images à choix parmi lesquelles il·elle devra pointer la bonne) et sa capacité à écrire correctement des syllabes ou mots travaillés dans les leçons précédentes (écriture sous dictée avec des lettres mobiles). 

Étude 2 : Les mesures répétées évalueront la capacité de l’élève à nommer correctement les correspondances graphèmes-phonèmes travaillées dans les leçons précédentes (classeur de stimuli avec quatre lettres à choix parmi lesquelles il·elle devra pointer celle dont le son est nommé) et ses compétences phonémiques (classeur de stimuli avec quatre images à choix parmi lesquelles il·elle devra pointer celle qui commence par un son donné). 

Pour ces deux études, un critère d’arrêt de trois erreurs consécutives sera utilisé lors des mesures répétées pour éviter de mettre en échec l’élève de manière répétitive en particulier durant la phase avant l’intervention (ligne de base) puis en cas de non-atteinte des objectifs durant l’intervention. Ces mesures seront réalisées une fois par semaine (5 à 10 min).

  • Description de l’intervention et fidélité de l’implémentation  

Étude 1 :  L’enseignant·e des élèves mettra en œuvre les leçons de décodage et d’encodage de la méthode Décodi (de Chambrier, et al., 2021) avec des adaptations pour les enfants avec BCC. Cette méthode Décodi a été développée par notre équipe de recherche pour enseigner la lecture aux élèves ayant une déficience intellectuelle Elle intègre les stratégies recommandées par la recherche avec ce groupe d’élèves. Cette méthode s’est avérée efficace avec des élèves ayant une DI capables de s’exprimer oralement dans le cadre d’une étude expérimentale randomisée menée récemment en Suisse romande (Sermier Dessemontet et al., 2021). Les leçons de décodage et d’encodage seront adaptées aux élèves ayant des BCC en intégrant des stratégies démontrées comme prometteuses par des recherches menées dans les pays anglophones : utilisation de livrets de pointage, utilisation d’une stratégie subvocale (lire dans sa tête), utilisation de l’application iPad Décodi développée par notre équipe durant la première année de ce projet de recherche. Les leçons seront réalisées par l’enseignant·e de la classe avec un ou deux élèves ayant une DI et des BCC deux fois par semaine (2 x 20 minutes). De plus, les élèves réviseront en autonomie avec l’application Décodi sur l’iPad les notions vues durant les leçons deux fois par semaine sous la supervision de l’enseignant·e (2 x 15 minutes).

Étude 2 : L’enseignant·e des élèves mettra en œuvre les leçons d’introduction des correspondances graphèmes-phonèmes de la méthode Décodi (de Chambrier et al., 2021) avec des adaptations pour les enfants avec BCC. Pour cette étude 2, les leçons d’introduction seront adaptées aux élèves ayant des BCC en intégrant des stratégies démontrées comme prometteuses par des recherches menées dans les pays anglophones. Les leçons seront réalisées par l’enseignant·e de la classe avec un ou deux élèves ayant une DI et des BCC deux fois par semaine (2 x 20 minutes). De plus, les élèves réviseront avec l’application Décodi sur l’iPad les notions vues durant les leçons deux fois par semaine (2 x 15 minutes).

Dans le cadre de ces deux études, un·e membre de l’équipe de recherche effectuera des visites mensuelles dans les classes participant à la recherche pour observer les leçons, évaluer la fidélité de l’implémentation de l’intervention avec une checklist et fournir du coaching aux enseignant·e·s. Les enseignant·e·s rempliront également un journal de bord dans lequel il·elle·s noteront la date des leçons mises en place et leur durée.

Dans les classes d’enseignement spécialisé en Suisse prenant en charge des élèves ayant une DI, il y a dans la très grande majorité des cas deux professionnel·le·s présent·e·s en classe (Sermier Dessemontet et al., sous presse). Durant ces leçons menées avec l’élève ayant une DI et des BCC par l’enseignant·e (2 x 20 min. par semaine), les autres élèves seront pris en charge par le·la second professionnel·le présent·e en classe (éducateur·trice, stagiaire, assistant·e socio-éducatif·ve) qui animera les activités habituelles. L’intervention n’aura donc pas d’impact négatif sur l’enseignement dispensé aux autres élèves. 

  • Analyse des données

Des pourcentages cumulés des items réussis aux mesures répétées seront calculés. Ils seront représentés sous forme de graphiques. Nous réaliserons une analyse visuelle de ces graphiques tel que recommandé dans la recherche (Lane & Gast, 2014) et calculeront aussi des tailles d’effets pour études de cas uniques (Kratochwill & Levin, 2016).

  • Libre-consentement des enseignant-e-s, des parents d'élèves et des élèves :

Après avoir recueilli l‘accord des directions d’écoles spécialisées pressenties, nous recruterons dans un premier temps des enseignant·s spécialisé·e·s intéressé·e·s. Nous leur remettrons un flyer présentant l’étude. Lorsque les enseignant·e·s nous auront contacté pour nous signifier leur intérêt, nous réaliserons un court entretien téléphonique avec eux (10 minutes) pour vérifier que les élèves pressentis correspondent bien aux critères de sélection.  En cas de doute des enseignant·e·s sur le niveau de leur élèves en lecture, nous leur transmettrons une évaluation qu’ils pourront faire passer à leurs élèves en individuel dans le cadre de leur enseignement habituel (petite évaluation par pointage de réponses d’environ 15 minutes). Une fois la confirmation obtenue qu’au moins l’un des élèves de la classe de l’enseignant·e intéressé·e correspond bien aux critères de sélection, les enseignant·e·s recevront une lettre informative et un formulaire de recueil du consentement qui leur sera destiné.

Lorsque le consentement écrit des enseignant-e-s sera recueilli, nous transmettrons  une lettre informative et un formulaire de recueil de consentement aux parents des élèves concernés par l’étude.

Une procédure de présentation de la recherche à l’intention des élèves a également été prévue. Cette procédure a été pensée pour être accessible aux élèves ayant une DI et des BCC (utilisation des principes du langage facile à comprendre pour rédiger les différentes demandes). Les chercheuses l’appliqueront lorsqu’elles se rendront pour la première fois dans une classe pour recueillir le consentement des élèves pour les évaluer en tout début d’étude (évaluation de départ en novembre). Suite à cette procédure, la chercheuse demandera à l’élève, en présence de l’enseignant·e, son accord pour aller travailler avec lui·elle dans une salle calme hors de la classe. La procédure prévue permet à l’élève de signifier son accord ou son désaccord par pointage. La chercheuse gardera une trace de l’assentiment de l’élève. Si après avoir donné son assentiment, un·e élève manifeste pendant les tests des comportements indiquant qu’il·elle ne souhaite pas continuer les tests (refus de continuer à réaliser le test ou signes de mal-être malgré des pauses ludiques,), la chercheuse interrompra la récolte de données et ramènera l’élève en classe.

Le recueil de consentement de l’élève pour participer aux mesures répétées ne sera pas recueilli dans la mesure où celles-ci s’intégreront étroitement à l’enseignement dispensé à l’élève par son enseignant·e (similaires à des évaluations formatives). Néanmoins, si pendant la récolte des données l’élève manifeste, pendant deux séances consécutives, qu’il·elle ne souhaite pas ou plus participer aux évaluations par des comportements observables (par ex. refus de continuer à réaliser les mesures répétées, signes physiques de mal-être pendant ces mesures), l'enseignant·e interrompra la récolte de données et l’élève sera retiré·e de l’étude. L’enseignant·e de l’élève poursuivra néanmoins l’enseignement de la lecture avec l’élève selon les modalités qu’il·elle estime préférable pour son élève.